samedi 28 avril 2012

Articles et Entretiens sur Internet (2)

Nikita Mandryka par Maël Rannou 

   
* (1) Nikita Mandryka - 1ère partie

Au fil de ses nombreuses aventures éditoriales, de ses débuts dans Vaillant à son passage à Pilote, de la création de L’Echo des Savanes avec Gotlib et Brétécher à son rôle de rédacteur en chef de Charlie Mensuel, Nikita Mandryka a toujours traîné avec lui le Concombre Masqué, son personnage fétiche avec son univers poétique et décalé, où l’on peut regarder pousser les rochers. Rencontre (forcément) potagère, en deux parties.

Maël Rannou : Comme beaucoup de gens je te connais d’abord grâce au Concombre masqué, mais je suppose qu’il y a eu autre chose avant — qu’est-ce qui t’as donné le goût de la bande dessinée ?

Nikita Mandryka : Je suis passionné de bande dessinée depuis que je suis gosse. Et cela grâce à mon père. Il m’avait ramené un exemplaire de Spirou quand j’avais sept ans, en 47. En première page, il y avait l’histoire de Samovar, un savant fou qui se baladait dans l’atmosphère. Ça m’a fait un choc. Un nouveau monde s’est ouvert à moi. Je me suis passionné pour la bande dessinée, et pour le journal de Spirou. Je lisais toutes les bandes dessinées publiées dans Spirou, je les dévorais. Je demandais même à mon père de me les lire car je ne crois pas qu’à l’époque je lisais vraiment très bien. Ça a été ma première expérience de lecture. Et j’aimais tout dans ce journal : Spirou et Fantasio bien sûr, Lucky Luke, Buck Danny, Sirius et son Épervier bleu, et aussi Les belles histoires de l’Oncle Paul ! J’y ai découvert la bande dessinée et pour moi c’était une fenêtre ouverte sur le monde. J’ai cru que la vie, c’était comme dans la bande dessinée. Il y avait d’un côté les bons, et de l’autre les méchants, comme dans Valhardi. Et comme dans l’Oncle Paul, dans la vie, il fallait être du côté du Bien et des bonnes actions. Ça m’a marqué.
Et en plus, je lisais tout ce qu’à l’époque on appelait «les illustrés». Tout ceux que je pouvais trouver. J’achetais Brik, Yak, dessinés par Cézard, un futur collègue de Vaillant, Superboy dans lequel il y avait des adaptations de bandes dessinées italiennes dont celles de Jacovitti que je trouvais absolument fabuleux. Ah ! Les Babouches d’Allah ! Un véritable chef d’œuvre ! J’ai été plongé jusqu’au cou dans la bande dessinée comme Obélix dans sa potion magique. Et tout naturellement j’ai eu envie d’en faire, je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je crois que ça s’est passé comme ça, et que c’est grâce à mon père...


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* (2) Nikita Mandryka - 2nde partie


Seconde partie de notre entretien avec Nikita Mandryka et son Concombre Masqué, où il sera question de la suite des aventures éditoriales de l’auteur, et de sa découverte des champs (potagers ?) de l’Internet illimité…

Maël Rannou : On te sent un peu amer par rapport au destin de L’Écho des savanes mais tu y resteras pourtant jusqu’à la fin des années 70, bien après avoir quitté le poste de rédacteur en chef, et tu as quand même permis la publication de certains auteurs importants par la suite.

Nikita Mandryka :
Amer ? Non, du tout. Écœuré, oui. Mais le destin de L’Écho des savanes me laisse indifférent. J’ai l’air amer comme ça parce que là j’explique pourquoi je suis parti. Mais je suis très heureux d’avoir permis à des auteurs comme Martin Veyron, par exemple, de se faire reconnaître. D’ailleurs à chaque fois je le rencontre, il m’en remercie encore. Mais je n’y suis pour rien ! Il ne le doit qu’à son talent d’écrivain. Car c’est un véritable écrivain.

Quand il est venu me montrer ses planches, on l’avait refusé à Charlie Hebdo parce que des féministes qui y avaient pris le pouvoir avaient trouvé ses planches "phallocrates" ! De la part de féministes, qui accusent les hommes d’"opprimer les femmes", c’est à mourir de rire. Et là, tu vois comment la morale du Surmoi Social bloque les choses, pour t’empêcher d’être toi-même en tant qu’artiste. En principe, un auteur a le droit d’avoir sa vision du monde. Mais non, au nom d’une idéologie qui impose les choses, dès que tu t’exprimes en ton nom, on te dit non. Comme le dit très bien un proverbe japonais : «Le clou qui dépasse appelle le marteau» ! [1] Moi, je lui disais «Vas-y». En réalité, je ne lui disais rien du tout, je le laissais faire, et il est devenu tout seul un auteur à part entière. Son dernier album "Blessure d’amour propre", c’est un vrai travail d’écrivain et d’artiste. Salut les féministes, et "merci pour le poisson !" [2]


Notes : 
[1] Proverbe japonais : Conclusion de "La Vie d'une Mouche - Une Fable Zen", Alain Beaulet éditeur.

[2] Allusion à la note finale du roman : "Salut, et encore merci pour le poisson" qui conclue la trilogie en cinq tomes de Douglas Adams : "Le Guide du Routard Galactique".

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